Quand le diagnostic de TSA n’est pas au rendez-vous

Un nombre croissant de personnes que j’accompagne obtiennent un « non-diagnostic » sur un éventuel Trouble du Spectre Autistique.

Quand cela se produit, après un parcours en généra difficile pour elles, les personnes peuvent s’effondrer. Non parce qu’elles tiennent à une étiquette, mais parce que ce refus heurte de plein fouet des mois, parfois des années de réflexion et de recherche de sens. Une quête de cohérence, une explication attendue, un soulagement espéré.

📋 Des évaluations rigides, déconnectées de la réalité

Nombre de professionnels s’appuient exclusivement sur les grilles normées du DSM-5, appliquées sans nuances ni adaptation au profil adulte — et encore moins au profil féminin… bien que cela commence à bouger parmi les experts bien informés.

Les tests sont administrés dans un cadre formel, presque toujours stressant, malgré les précautions prises. Les entretiens sont très peu nombreux, hors du quotidien, et ne permettent pas d’observer les personnes dans leur fonctionnement réel.

On demande à des adultes « témoins » et très mal outillés pour l’observation rétro-active de se souvenir de détails lointains (parents vieillissants, frères et sœurs, conjoint).

Et l’on conclut à l’absence de TSA parce qu’en plus des résultats aux tests qui ne sont pas concluants, la personne regarde dans les yeux, sourit, a une vie sociale, ou s’exprime bien — autant de signes interprétés comme une preuve d’adaptation, sans interrogation sur leur coût psychique.

👩‍🎭 Des femmes, des caméléons, des profils invisibles

Très souvent, il s’agit de femmes. Ou bien d’hommes qui fonctionnent comme des femmes sur le spectre autistique. On les nomme les « hommes-caméléons ». Depuis l’enfance, ils ont appris à se conformer :

  • à intellectualiser leurs émotions,

  • à copier les codes sociaux,

  • à jouer un rôle constant, jusqu’à l’épuisement.

Ils ne correspondent pas aux stéréotypes de l’autisme qui ont la vie dure : regard fuyant, isolement social, centres d’intérêt restreints envahissants, auto-centrage, déconnexion de la réalité.

Et aujourd’hui, on leur dit :
« Vous n’êtes pas autiste : vous êtes trop empathique, trop insérée, trop adaptée. »

Derrière le sourire observé et la maîtrise apparente, l’effondrement n’est pas loin et les tests ignorent les composantes de cette adaptation extrême ainsi que leur coût immense en énergie.

🤝 Comprendre demande plus qu’un protocole

Je ne remets pas en cause la nécessité d’un cadre professionnel. Mais on ne peut pas comprendre une personne si l’on n’interagit pas assez longtemps pour qu’elle puisse oser poser les masques de son adaptation construite.

Il est indispensable de ne pas seulement cocher des cases mais de vraiment se donner les moyens de percevoir ce qui ne se voit pas : le camouflage, la surcharge mentale, la peur chronique de décevoir.

💬 Quand le verdict tombe

Ces personnes viennent chercher une réponse structurante.

Elles repartent avec un compte-rendu technique :

« Les difficultés observées ne relèvent pas d’un TSA mais d’une fragilité psychoaffective, d’une faible estime de soi, d’une anxiété sociale, d’un perfectionnisme, etc. »

Ou encore :

« Le profil décrit n’entre pas dans le champ du TSA selon le DSM-5-TR. Il s’agirait plutôt d’un TDAH avec anxiété généralisée, camouflage, sur-adaptation. Il convient d’envisager un soutien psychologique. »

Rien n’est proposé qui prenne en compte un fonctionnement neuro-divergent sous-jacent.

Et la personne repart avec l’impression que ce qu’elle ressent n’existe pas, ou ne mérite pas d’être nommé.

🔍 Ce que j’observe dans mes accompagnements

Une des personnes que j’accompagne m’a un jour rapporté les propos de sa neuropsychologue : « Si tous ceux qui fonctionnent comme vous étaient autistes, alors tout le monde le serait ! »

Et voici ce que j’observe de manière très récurrente chez les personnes qui ont été “non-diagnostiquée” :

  • Un ton neutre et une expression faciale peu marquée

  • Une élaboration des émotions essentiellement intellectuelle

  • Un étonnement sincère face à certaines règles sociales implicites

  • Une confiance accrue dans des contextes maîtrisés

  • Aucune communication réciproque (la parole ne s’interrompt pas naturellement)

  • Une absence de réaction à l’humour contextuel

  • Une incompréhension des dynamiques politiques en entreprise

  • Une angoisse très forte en cas de changements non expliqués

  • Une difficulté à s’adapter à ce qui n’était pas clair et utile

  • Et toujours : un épuisement massif, et un courage de brave petit soldat pour passer outre.

Certains éléments peuvent être perçus dès le premier contact. Les autres se dévoilent peu à peu une fois que la relation de confiance est établie et que les mots justes sont proposés à la personne. Celle-ci peut ainsi élaborer sur ses ressentis profonds et jamais partagés jusque-là.

🎯 Que faire quand le diagnostic n’est pas posé ?

Ces « non-diagnostics » sont souvent des blessures profondes. Ils sont posés par des neuropsychologues en cabinet, souvent isolés et débordés, dans des conditions de temps limité.

Rappelons que les neuropsychologues ne posent pas le diagnostic : ils administrent les tests. Un psychiatre doit ensuite poser le diagnostic, sur la base du rapport préétabli, à l’issue d’un ou deux entretiens.

Quand on ne propose pas de consultation chez le psychiatre, j’invite la personne à :

  • À s’inscrire sur la liste d’attente du CRA de sa région (Centre Ressources Autisme). En effet, même si l’attente est très longue, souvent de plusieurs années, l’espoir d’un diagnostic reste entier parce qu’il serait étudié lors d’un travail d’équipe mené par des personnes expertes en termes d’autisme. Il y aura les mêmes tests, mais il y aura également des entretiens approfondis.

  • À poursuivre l’accompagnement sans dépendre d’une validation extérieure : en prenant en compte le faisceau des signes constatés, des forces et des lacunes de la personne. Continuer le cheminement vers les objectifs initiaux de cet accompagnement est indispensable.

Parce que, avec ou sans étiquette, il est possible de retrouver du sens, de se comprendre et de mieux comprendre le fonctionnement du monde, de se respecter et de se faire respecter.

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